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L’athée est-il insensé ou réaliste ?

Anselme de Cantorbéry (mort en 1109) contre Gaunilon (contemporain d’Anselme)


COMMENT ANSELME APPORTE UNE PREUVE RATIONNELLE DE L’EXISTENCE DE DIEU.

Avide de connaissance et de savoir, le jeune Anselme quitta son Aoste natale (en actuelle Italie) à la recherche d’un maître. Ce fut Lanfranc, auquel il succédera en tant qu’évêque de Cantorbéry, en Angleterre. Au contraire de Lanfranc, Anselme voulu fonder son savoir sur autre chose que des arguments d’autorité (la Bible, les Pères de l’église). Il voulait établir des relations rationnelles nécessaires, des « connexions » ; et ce afin de démontrer que la foi est rationnelle (ratio fideï).

Les contacts avec Byzance, les Arabes, et surtout les Juifs, installés au cœur des villes chrétiennes, obligeaient les chrétiens à utiliser des arguments autres que les références aux livres. Il fallait aussi se protéger de l’hérétique ou de l’incroyant qui sommeille en chaque chrétien. Ainsi, la preuve de l’existence de Dieu d’Anselme est construite de telle manière qu’il est possible de convaincre un incroyant : la foi n’est pas un présupposé du raisonnement.

Toutefois Dieu n’est pas, comme dans la notion populaire de Dieu, un empereur céleste, un maître arbitraire. Dieu est la raison dernière de l’unité du monde. Anselme l’explique en prenant appui sur le langage humain. Plusieurs pommes sont regroupées sous le mot « pomme », mais elles ont une unité réelle. Le multiple (les différentes pommes réelles) n’est en fait qu’un (l’ensemble conceptuellement regroupé sous le mot « pomme »). On remonte peu à peu : « pomme » et « poire » sont regroupées par le mot « fruit ». Et ainsi de suite, l’on remonte les choses jusqu’à l’un suprême, Dieu, au-delà duquel on ne peut plus rien penser.

Comment, dés lors, convaincre un incroyant ? La Bible dit : seul l’insensé dit dans son cœur : il n’y a pas de Dieu. Mais Anselme ne considère pas pour autant l’athée comme un malade mental ; il cherche constamment à le persuader, à lui faire comprendre logiquement son erreur.

Définissons Dieu comme « l’être au-delà duquel on ne peut rien penser de plus parfait ». L’athée dira alors qu’il n’existe pas d’être au-delà duquel on ne puisse rien penser de plus parfait; Mais comparons alors ce dernier, en pensée, avec un être de ce type qui existerait vraiment. Il serait alors plus parfait, puisqu’il existerait, que l’être qui n’existerait pas. Cette perfection supérieure est donc possible. Elle existe nécessairement : c’est Dieu. S'il accepte la définition de départ, l’athée, le mécréant est obligé de reconnaître que l’athéisme est contradictoire. Cet argument est un coup de génie dans toute la culture scolaire de grammaire et de logique du XIème siècle : on ne lui a retrouvé à ce jour aucun modèle antérieur.


DES OBJECTIONS DE GAUNILON.

On ne sait pratiquement rien de ce moine, dont il ne reste aujourd’hui que quelques pages. Mais elles suffisent à nous faire connaître un des esprits les plus brillants du XIème siècle. L’échange d’arguments entre Anselme et lui, au ton aimable et amical, montre qu’il existait réellement, dans ce monde occidental des années 1070, une recherche philosophique autonome.

Gaunilon fait l’apologie de l’insensé : le mécréant n’est pas fou, il préfère se porter sur le coté empirique, pragmatique, du savoir. Trois objections à Anselme sont apportées : 1) D’abord, il ne faut pas confondre « penser » et « connaître »,. Un athée peut très bien penser Dieu. Il ne le « connaît » pas pour autant comme un contenu réel de son intellect, comme quelque chose de confirmé dans la réalité. 2) Pour Anselme, prouver l’existence de Dieu est superflue, car on ne peut nier son existence. Mais alors pourquoi veut-il « apporter une preuve » ? L’objection prépondérante reste la troisième... 3) L’argument compare un être non-existant avec un être existant au-delà duquel on ne peut rien penser de plus parfait. Or, pour, comparer, on suppose déjà qu’un être de ce type existe. Anselme présuppose ce qu’il veut prouver. Gaunilon l’illustre par l’image de l’île perdue : si on me dit qu’il existe une île au milieu de l’océan, plus belles que toutes, cette île existe bel et bien dans mon intellect, mais rien ne prouve qu’elle existe en réalité. Les incroyants ne sont donc pas insensés, ils sont logiques. La « folie » de l’athéisme se défend philosophiquement. Gaunilon, tout aussi pieu qu’Anselme, exige des preuves qui soient empiriques.


QUELLE FUT LA REPONSE D’ANSELME.

Pour Anselme, au contraire, l’athéisme provient d’une erreur de logique. Distinguer « penser » et « connaître » est hors de propos, il faut examiner la définition de départ. Si l’on parle d’un être, que cela soit pour l’affirmer, le nier ou douter de lui, du moment que chacun comprend le mot qui le désigne, alors cet être existe dans la raison. Même s’il existe seulement dans la raison, on peut très bien le comparer, en pensée, à un même être qui existerait dans la réalité. Ce dernier serait nécessairement plus parfait, puisqu’il existerait. L’être nécessaire est forcément pensé comme plus parfait que l’être contingent. Cet être au-delà duquel on ne peut rien penser de plus parfait existe donc nécessairement dans la réalité. Tout être humain qui réfléchit à ce que veut dire le mot « Dieu », doit, par enchaînement logique, découvrir l’existence de Dieu.

Replaçons cet argument dans son contexte historique : la querelle des investitures. On sait qu’à cette occasion Anselme soutînt la Papauté. Il était donc important de montrer que l’existence de Dieu ne dépend pas des hommes : ni documents, ni reliques miraculeuses, ni assemblées épiscopales ne suffisent. On ne doit pas inculquer « Dieu », par l’autorité. Il faut convaincre, par des arguments. C’est une nouvelle mentalité qu’Anselme apporte alors.